Ismene a été créé au Théâtre d’Epernay du 4 au 8 mars 2003
Poème de Yannis Ritsos
Traduit du grec par Dominique Grandmont
Mise en scène Agnès Bourgeois
avec Olivia Willaumez
Collaboration dramaturgique, scénographie et costume Laurence Forbin
Lumière Luc Jenny
Création sonore Thierry Fournier assisté de Jean-Baptiste Droulers
Perruque Cécile Kretschmar
Maquillage Catherine Saint-Sever
Réalisation du costume Lionel Hermouet

Résumé : Ismène est fille d’Oedipe et soeur d’Antigone. Ismène est vieille. Ismène devrait rejoindre les fantômes qui peuplent ses journées silencieuses et solitaires. Un jeune home survient. Sa présence bouleverse le ralentissement – elle peut dire.

Dramaturgie :

Ismène est récipendiaire de trop de souvenirs, elle est trop vieille, elle a trop de désirs, trop de souffrances.Elle attend au fond du corridor. Elle est au bout du couloir. Elle a des fulgurances de mémoire. Des éclats de paroles qui forment comme un grand et dernier fleuve s’écoulant doucement. Elle décrit ce que finalement on ne sait que trop sans vouloir en parler, cette terrible dégradation, ce resserrement des possibles, cette occultation de l’espoir … et pourtant on se suspend à ses lèvres comme si elle allait nous révéler les dessous du pouvoir, elle qui dans l’intimité a cotoyé nos mythes, elle qui a de près fréquenté notre mémoire collective, elle qui a vu les yeux crevés.

Sans doute va-t-elle nous aider à comprendre, à choisir, à accepter notre anonymat, notre destin ignoré, comme la grande soeur qu’elle fut. Ce n’est pas une confession, plutôt une livraison. A un jeune homme qui ranime le désir soigneusement enfoui, non dit. Un jeune homme, ou la présence d’une foule où elle reconnaît quelqu’un, ici Hémon. Cette livraison est son dernier souffle, enfin, après une vie très longue, depuis bien avant Jésus-Christ jusqu’à nous. Plus les siècles passent et plus ça lui rajoute des années. Nous sommes là pour la soulager, la relever. On ne peut pas l’incarner, seulement lui prêter une voix, une colonne vertébrale et l’asseoir dans un fauteuil derrière une fenêtre ou dans l’embrasure d’une porte et, sans jamais apercevoir son visage, attendre comme elle le bouleversement imperceptible qui ranimera le marécage d’où surgiront des taches d’impressions, de vie, pour retrouver le mouvement qui n’est pas éternel.

Le spectateur arrive sur la scène par les dessous, parcourant un espace labyrinthique guidé par le son des gouttes, en quête de cette voix lointaine, écho ou murmure. Des sièges dépareillés l’attendent. Le rideau de fer est baissé, elle est assise de dos dans l’embrasure métallique. Elle parle sans jamais se retourner. L’installation sonore nous permet de percevoir ses moindres respirations. Devant elle on devine un châssis sur lequel est tendu un plastique transparent, fenêtre donnant sur le lointain. La lumière joue avec cette matière plastique pour la traquer à contre-jour. Son costume baroque est un carcan qui la maintient. Ce n’est pas un costume qui donne vie, il est là pour lier le corps, l’enserrer, comme s’il colmatait la poussière, empêchait la statue de s’effriter, plâtre pour un corps en miettes.